Une affaire de TONALITÉ ... ou de REGISTRE

Définition

Chaque texte offre sa propre tonalité, c'est-à-dire des éléments caractéristiques qui provoquent chez le destinataire un type d'émotion, de sentiment particulier. La notion de registre concerne donc la relation du locuteur au destinataire et l'émotion que le premier cherche à susciter chez le second.

La tonalité d'un texte n'est pas toujours aisée à définir... Une première approche d'un texte doit déjà permettre d'identifier le ton de base : comique ou sérieux ? ou les deux à la fois ?

Fondamental

Le registre COMIQUE (on cherche à faire rire ou sourire) comporte de nombreuses nuances importantes :

  • la SATIRE (registre satirique) est une critique, virulente ou moqueuse, d'un ridicule, d'un défaut ou d'un vice ; elle est proche de la raillerie, du sarcasme ; elle utilise la déformation par exagération et peut se rapprocher de la caricature.

  • l’IRONIE (registre ironique) - du grec eironéa, "interrogation" : il faut que le lecteur s'interroge sur ce que l'on a pu vouloir dire. L'ironie fait entendre le contraire de ce que l'on dit, dans le but de faire rire de quelque chose ou de quelqu'un. ou encore dans un but critique ou polémique. L'ironie se manifeste par l’utilisation d'antiphrases, de litotes, d’exagérations, etc.

  • la PARODIE (registre parodique) est une imitation moqueuse (d'un texte sérieux, du style d'un auteur). On ne peut la reconnaître que si l'on connaît ce qui est imité (par exemple : la fable d'Anouilh "La cigale" parodie celle de La Fontaine).

  • l'HUMOUR (registre humoristique) est plus difficile à définir qu'à pratiquer. Il attire l'attention, avec détachement, sans méchanceté, sur les aspects plaisants ou insolites de la réalité. On peut le décrire comme "une acceptation consciente de la différence entre l'idéal et le réel, différence que l'on n'hésite pas à souligner, ce qui est une façon de s'en dégager". On parlera d'humour noir s'il se manifeste à propos d'une situation, d'une manifestation grave, désespérée ou macabre.

  • le BURLESQUE (registre burlesque) repose sur un contraste entre le style et le sujet traité (traiter un sujet sérieux en style vulgaire, et vice versa).

UN TEXTE COMIQUE PEUT MÊLER PLUSIEURS DE CES REGISTRES, PAR EXEMPLE, LA PARODIE ET L'HUMOUR.

Fondamental

Contrastant avec le ton comique, on peut adopter un ton SÉRIEUX, voire grave ou tragique. Là aussi, des nuances importantes existent :

  • le registre RÉALISTE cherche à rendre compte du réel sans l'embellir. Il caractérise de nombreux romans du XIXe siècle. C'est le ton de beaucoup d'articles de la presse d'information.

  • le registre DIDACTIQUE fait de toute réalité la matière d'un enseignement (moral, scientifique, etc.). Un article d'encyclopédie, un manuel scolaire sont didactiques, ce qui n'exclut pas forcément d'autres registres.

  • le registre ORATOIRE est celui du discours qui veut frapper les esprits.

  • le registre ÉPIDICTIQUE est celui de l'éloge ou du blâme. Il vise à susciter admiration ou dégoût.

  • le registre POLÉMIQUE caractérise un texte où l’argumentation devient vive et prend un tour critique voir agressif. Le débat devient combat (en grec polemos signifie "guerre") et l'on cherche à faire réagir le destinataire.

  • le registre LYRIQUE est celui de l'expression des sentiments, états d'âme, émotions les plus intimes (nostalgie, regret, tristesse, joie). Le mot vient de ce qu'à l'origine il était le domaine d'une poésie faite pour être chantée avec accompagnement à la lyre, mais le lyrique ne se limite pas à la poésie.

  • le registre PATHÉTIQUE privilégie aussi les émotions intenses, mais pas les mêmes ; il inspire au lecteur des émotions tristes et fortes devant une situation inhumaine (il s'agit de bouleverser le destinataire, d'exciter sa pitié, sa souffrance, sa compassion, son horreur voire sa terreur).

  • le TRAGIQUE exprime la prise de conscience par l'homme des forces qui pèsent sur lui, le dépassent et le dominent. Il ne se manifeste pas que dans les tragédies.

  • le DRAMATIQUE maintient le spectateur / lecteur dans un état d'attente (suspense). Au théâtre comme dans le récit, on parle de registre dramatique pour un texte où se succèdent des péripéties[1].

  • l'ÉPIQUE est caractéristique de l'épopée (long poème narratif chantant les exploits des héros, qui sont toujours des êtres hors du commun, exaltant un grand sentiment collectif et recourant au merveilleux), mais le registre épique peut se trouver ailleurs (dans les romans, les textes de théâtre, les récits historiques).

Complément

On peut aussi, selon les classifications, parler de registre FANTASTIQUE, MERVEILLEUX, etc.

ExempleComment identifier le registre ÉPIQUE ?

Ce registre cherche à provoquer l'admiration et l'enthousiasme du lecteur, en louant les exploits d'un ou de plusieurs héros.

Procédés et caractéristiques permettant d'identifier ce registre :

  • Enchaînement d'actions

  • Emploi du pluriel et de termes collectifs

  • Procédés de l'amplification et de l'emphase : énumérations, accumulations, gradations, hyperboles, superlatifs, adverbes d'intensité

  • Phrases longues, verbes de mouvements

  • Métaphores et comparaisons, symboles, personnifications, anaphores

  • Référence aux éléments naturels

  • Champ lexical du combat / des exploits ou prouesses chevaleresques

  • Peut faire appel au merveilleux

ExempleLa foule - une forme particulière de héros épique

Les femmes avaient paru, près d'un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignées par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim.

(Zola, Germinal)

ExempleLes exploits guerriers du héros de l'épopée médiévale (actions et intensité)

Redoutable est la bataille, elle se fait générale.

Le comte Roland ne se met pas à l'abri du danger,

Frappe de l'épieu tant que la hampe reste entière,

Au quinzième coup, il l'a brisé et rompu ;

Il met à nu Durendal, sa bonne épée,

Il pique des deux, va frapper Chernuble :

Lui brise le heaume où brillent des escarboucles,

Lui fend la crâne et la chevelure, (...)

(La Chanson de Roland, fin du XIe siècle, Laisse 104)

ExempleLes affrontements du monde moderne

Veillée d'armes dans la capitale. Paris s'apprête à affronter Marseille, sa rivale de toujours.

(Le Figaro, 12 octobre 1995)