Une seule règle et .. un peu de flou

1. Chercher le support

RemarqueOublier l'auxiliaire

On a vu que les verbes pronominaux, quoique conjugués avec l'auxiliaire être, ne se comportent pas comme les autres verbes conjugués par l'auxiliaire être.

Ainsi pour décider de ces accords, on ne devrait sans doute pas se fonder sur la nature de l'auxiliaire - être ou avoir.

FondamentalUne seule et même question ...

Pour décider de l'accord d'un participe passé PPé, on cherche :

parfois le groupe nominal que le participe qualifie, comme on le ferait pour n'importe quel adjectif

parfois le sujet

parfois le complément d'objet direct

On le fait cependant à chaque fois avec ... la même question :

"Qu'est-ce qui EST PPé ?" / "Qui est-ce qui EST PPé ?[1]"

C'est cette question qui permet de trouver le groupe nominal qu'un adjectif qualifie :

"Qu'est-ce qui EST Adj ?" / "Qui est-ce qui EST Adj ?"

C'est cette question qui permet de trouver le sujet pour les participes employés déjà avec être :

"Qu'est-ce qui EST PPé ?" / "Qui est-ce qui EST PPé ?"

C'est cette question qui permet de trouver le complément d'objet direct des verbes V en général[2] :

"Qu'est-ce qui EST V-é ?" / "Qui est-ce qui EST V-é ?"

... à moins qu'on n'ait affaire à un verbe essentiellement pronominal, en quel cas on ne peut se passer du pronom réfléchi se, puisque le verbe n'existe pas sans ce pronom : il faut alors reformuler la question, en cherchant un équivalent du verbe Éq qui soit aussi exact que possible :

"Qu'est-ce qui EST Éq-é ?" / "Qui est-ce qui EST PÉq-é ?"

Fondamental... mais deux réponses

On a une seule question, et le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le terme que la question permet de trouver ... sauf dans le cas où le terme en question est un complément d'objet direct et qu'il suit le verbe, en quel cas le participe passé ne s'accorde pas.

FondamentalLa raison

Lorsque le complément d'objet direct suit le participe, celui-ci tend à conserver son fonctionnement verbal, faisant référence à un processus[3], avec le complément qui figure l'objet visé par ce processus.

Lorsque le complément d'objet direct précède le participe, celui-ci tend à prendre un fonctionnement adjectival, décrivant alors l'état[4] dans lequel se trouve l'objet en question.

MéthodeUne seule méthode en deux temps

Par conséquent, pour déterminer si un participe passé PPé s'accorde :

1.

Il faut d'abord voir s'il y a un terme que ce participe serait susceptible de qualifier tel un adjectif :

On pose la question :

Qu'est-ce qui est PPé ? Qui est-ce qui est PPé ?[1]

ou, si l'on ne parvient pas à se débarrasser du se,

Qu'est-ce qui s'est PPé ? Qui est-ce qui s'est PPé ?

2.

Puis il faut vérifier que ce terme n'est pas un complément d'objet direct postposé.

Si le terme est un complément d'objet direct postposé, le participe a plutôt un fonctionnement verbal et ne s'accorde pas en genre ou en nombre.

Si le terme n'est pas un complément d'objet direct postposé, le participe a plutôt un fonctionnement adjectival et s'accorde avec lui en genre et en nombre.

2. L'accord à l'oral

Remarque

L'accord à l'oral n'est perceptible qu'au féminin et avec les quelques participes se terminant par une consonne latente[5], consonne qui se prononce devant le e du féminin :

écrit / détruit / ouvert / pris / compris / enquis / fait / mort / inclus / absout / dissout.

Méthode

Pour décider de l'accord, on peut par conséquent remplacer le participe passé par l'un des participes passés ci-dessus, et remplacer si nécessaire le nom dont il pourrait dépendre par un nom féminin.

Paul a rédigé/és deux textos.

Paul a écrit deux lettres.

?

Paul a écrites deux lettres.

OUI

NON

Pas d'accord avec le complément féminin pluriel deux lettres

→ Pas d'accord avec le complément masculin pluriel deux textos.

Paul a rédigé deux textos.

RemarqueHésitations

Il n'est pas certain cependant que l'on ait toujours beaucoup d'intuition sur les accords que l'on voudrait faire à l'oral : certains appliquent les règles apprises à l'école telles qu'ils les ont apprises, d'autres ne savent plus du tout quoi en penser. Ces règles scolaires si souvent répétées sont trop présentes dans notre esprit pour ne pas influer sur nos usages à l'oral.

Ainsi dira-t-on spontanément :

  • La lettre que j'ai écrite ou La lettre que j'ai écrit ?

  • Cette lettre, je l'ai écrite ou Cette lettre, je l'ai écrit ?

  • La lettre que j'ai détruite ou La lettre que j'ai détruit ?

La règle impose ici un accord systématique. L'usage oral est plus hésitant.

RemarqueFlou

Il est des cas sans doute où l'on ne voit pas quelle raison on aurait de privilégier un comportement verbal ou adjectival, les deux étant liés, avec des processus qui de toutes façons prétendent mener à des états : on mange quelque chose pour qu'il soit mangé, dès que l'on saute quelque chose, il est sauté ; etc.

Il y a donc des zones de flou, où on a autant de raisons de faire l'accord que de ne pas le faire.

La tradition n'accepte pas qu'il puisse y avoir de flou en la matière. Elle renonce ce faisant à ce que l'accord ait du sens, et préfère y voir un arbitraire à laquelle tout un chacun pourrait se plier, par amour de la langue et attachement à sa pureté.

On peut aussi aimer la langue autrement, une langue qui a du sens, au risque d'être alors un peu impure.