Les formes verbales [avoir/être + participe passé] : identification et valeurs

FondamentalConstructions des temps composés et de la voix passive

Pour identifier une forme composée, 5 règles simples :

  • le participe passé est la forme finale, qui permet d'identifier le verbe de la phrase :

    • par exemple, dans la forme ayant chanté, le participe passé est chanté et l'on reconnaît donc que l'on a affaire au verbe chanter : c'est ce verbe chanter qui s'applique à la cigale

    • dans  "je suis attaché", le participe passé est attaché et c'est donc le verbe attacher qui s'applique au chien (je)

    • dans  "je n'étais pas ", le participe passé est , du verbe naître, qui s'applique ici à l'agneau (je

  • ce qui n'est pas le participe passé appartient à l'auxiliaire :

    • il s'agit soit d'une forme simple, par exemple fut dans "la bise fut venue", ou aurais dans "l'aurais-je fait"

    • soit d'une forme composée, faite elle-même d'un auxiliaire et d'un participe passé, par exemple avait été dans : "un cheval de bois par Minerve avait été inventé

  • il est aisé d'identifier l'auxiliaire et son temps lorsqu'il est à une forme simple :

    • fut est le passé simple d'être, aurais le conditionnel d'avoir

    lorsqu'il s'agit d'une forme composée, c'est le participe qui permet d'identifier l'auxiliaire :

    • avait été est une forme de l'auxiliaire être, avait eu est une forme de l'auxiliaire avoir

    • et cet auxiliaire est lui-même à un temps composé : ici il est au plus-que-parfait (voir les tableaux qui suivent)

  • lorsque l'auxiliaire est avoir, la forme à analyser est de la voix active, à un temps composé

  • lorsque l'auxiliaire est être, la forme est à la voix passive si on peut transformer la phrase à l'actif, en faisant du sujet un complément d'objet direct :

    • "je suis attaché" = on m'attache (la forme passive est donc au présent)

    • "tu seras châtié" = je te châtierai (forme passive au futur)

    • "un cheval de bois par Minerve avait été inventé" = Minerve avait inventé un cheval de bois (il s'agit d'un plus-que-parfait passif, car avait inventé est le plus-que-parfait actif correspondant)

    Dans les autres emplois de l'auxiliaire être, la phrase est à la voix active ou bien de construction pronominale.

AttentionComment s'y retrouver parmi les auxiliaires ?

Quels auxiliaires pour les temps composés, à valeur d'accompli ?

  • Les verbes qui acceptent un complément d'objet direct[1] (COD) ou un complément d'objet indirect[2] (COI) forment leurs temps composés avec l'auxiliaire avoir :

    • La famille a mangé une quiche.

    • Nous avons parlé de toi.

  • Les verbes qui ne peuvent pas accepter de complément d'objet (verbes intransitifs[3]) forment leurs temps composés soit avec l'auxiliaire avoir :

    • Elle a marché jusqu'ici.

    • Il a plu sans arrêt.

    soit avec l'auxiliaire être :

    • Marcel est parti pour Montpellier.

      C'est la ville où il est né.

    En pratique, tout francophone connaît ces verbes depuis son enfance et commet rarement des erreurs.

  • Les verbes pronominaux[4] forment leurs temps composés avec l'auxiliaire être :

    • Marcel s'est souvenu de ses dernières vacances.

Quel auxiliaire pour les formes passives ?

  • Seuls les verbes qui acceptent un COD (verbes transitifs directs) peuvent se construire au passif. L'auxiliaire du passif est toujours l'auxiliaire être, aux temps simples comme aux temps composés :

    • Cette quiche sera mangée ce soir. (futur simple passif, avec auxiliaire au futur simple sera)

    • La quiche a été mangée hier soir. (passé composé passif, avec auxiliaire au passé composé a été)

"temps composés" (à valeur d'accompli)

formes passives

avoir mangé (+ COD, verbe transitif direct)

être mangé

avoir marché (sans COD, verbe intransitif)

xxxxxxxxxx

être parti (sans COD, verbe intransitif)

xxxxxxxxxx

s'être souvenu (verbe pronominal)

xxxxxxxxxx

FondamentalTableau des correspondances pour les "temps composés" à valeur accomplie

Temps simples

temps composés

présent simple de l'indicatif

je mange ; je pars

passé composé de l'indicatif

j'ai mangé ; je suis parti

imparfait de l'indicatif

je mangeais ; je partais

plus-que-parfait de l'indicatif

j'avais mangé ; j'étais parti

futur de l'indicatif

je mangerai ; je partirai

futur antérieur de l'indicatif

j'aurai mangé ; je serai parti

passé simple de l'indicatif

je mangeai / il mangea ; il partit

passé antérieur de l'indicatif

j'eus mangé / il eut mangé ; il fut parti

conditionnel

je mangerais ; je partirais

conditionnel passé

j'aurais mangé ; je serais parti

présent du subjonctif

que je mange / qu'il mange / qu'il parte

passé du subjonctif

que j'aie mangé / qu'il ait mangé ; qu'il soit parti

imparfait du subjonctif

que je mangeasse / qu'il mangeât / qu'il partît

plus-que-parfait du subjonctif

que j'eusse mangé / qu'il eût mangé ; qu'il fût parti

impératif présent

mange / mangez ! / partez !

impératif passé

aie mangé / ayez mangé ! / soyez parti(e)s !

infinitif simple

manger / partir

infinitif forme composée

avoir mangé ; être parti(e)

participe, forme en -ant

mangeant / partant

participe de forme composée

ayant mangé ; étant parti(e)(s)

FondamentalValeurs aspectuelles : l'aspect accompli

Dans tous les "temps composés", qu'ils soient du passé, du futur ou du présent, le verbe est pris dans un aspect accompli. Cela signifie que l'action ou le processus qu'indique ce verbe a atteint ou dépassé sa borne finale :

  • "Marcel a lu ce texte" signifie que l'action de lire a atteint sa borne finale, le dernier mot du texte, qu'il ne reste plus rien à lire et que Marcel n'est plus en train de lire

  • "Il a plu pendant une heure" signifie que le processus de pleuvoir a atteint sa borne finale, que la dernière goutte est tombée et que présentement il ne pleut plus

  • "Marcel aura lu ce texte" signifie qu'en un moment ultérieur au moment où on parle, l'acte de lire aura atteint sa borne finale, qu'il ne restera plus aucun mot à lire et que Marcel ne sera plus en train de lire.

Les formes verbales composées d'aspect accompli peuvent indiquer :

  • un fait antérieur à un autre :

    • dans : "Quand vous aurez lu, vous poserez vos questions", l'achèvement de la lecture est représenté comme antérieur à l'acte de questionner

  • un état résultant d'un processus achevé :

    • dans : "Marcel a mangé", l'achèvement de l'acte de manger est atteint ou dépassé, l'assiette est vide ou contient des restes, ce qui est l'état résultant.

FondamentalTableau des correspondances pour les formes à valeur passive

Le passif des temps simples :

ACTIF : "temps simples"

PASSIF : "temps simples"

présent actif de l'indicatif

on publie un reportage

présent passif de l'indicatif

un reportage est publié

imparfait actif de l'indicatif

on publiait un reportage

imparfait passif de l'indicatif

un reportage était publié

passé simple actif de l'indicatif

on publia un reportage

passé simple passif de l'indicatif

un reportage fut publié

futur simple actif de l'indicatif

on publiera un reportage

futur simple passif de l'indicatif

un reportage sera publié

conditionnel actif

on publierait un reportage

conditionnel passif

un reportage serait publié

présent du subjonctif

(j'ordonne) qu'on publie un reportage

présent passif du subjonctif

(j'ordonne) qu'un reportage soit publié

imparfait du subjonctif

(j'ordonnais) qu'on publiât un reportage

imparfait passif du subjonctif

(j'ordonnais) qu'un reportage fût publié

impératif présent

publie / publiez un reportage !

x x x x x x x x

infinitif simple

(on devrait) publier un reportage

infinitif simple passif

un reportage (devrait) être publié

participe présent

publiant un reportage

participe présent passif

un reportage étant publié

Le passif des temps composés :

ACTIF : "temps composés"

PASSIF : "temps composés"

passé composé actif de l'indicatif

on a publié un reportage

passé composé passif de l'indicatif

un reportage a été publié

plus-que parfait actif de l 'indicatif

on avait publié un reportage

plus-que-parfait passif de l'indicatif

un reportage avait été publié

passé antérieur actif de l'indicatif

(après qu')on eut publié un reportage

passé antérieur passif de l'indicatif

(après qu')un reportage eut été publié

futur antérieur actif de l'indicatif

on aura publié un reportage

futur antérieur passif de l'indicatif

un reportage aura été publié

conditionnel passé actif

on aurait publié un reportage

conditionnel passé passif

un reportage aurait été publié

passé actif du subjonctif

(j'ordonne) qu'on ait publié un reportage

passé passif du subjonctif

(j'ordonne) qu'un reportage ait été publié

plus-que-parfait actif du subjonctif

(j'ordonnais) qu'on eût publié un reportage

plus-que-parfait passif du subjonctif

(j'ordonnais) qu'un reportage eût été publié

impératif "passé" (forme composée)

ayez publié ce scoop avant les autres !

x x x x x x x x

infinitif de forme composée active

(on doit) avoir publié un reportage

infinitif de forme composée passive

un reportage (doit) avoir été publié

participe passé actif

ayant publié un reportage

participe passé passif

un reportage ayant été publié

FondamentalValeurs et emplois du passif

La construction passive s'explique grammaticalement comme transformation d'une phrase active comportant un COD ; transformation dans laquelle le COD du verbe actif devient sujet du verbe passif :

  • [Les étudiants liront ce livre durant le semestre] --> "Ce livre sera lu durant le semestre (par les étudiants)".

Mais quel intérêt un énonciateur peut-il avoir à utiliser le passif, dont la construction est plus complexe que celle de l'actif ? C'est une affaire de valeurs communicatives.

Si on la compare à la construction active, la tournure passive correspond souvent à un réarrangement communicatif : au passif, l'énonciateur place en position initiale de thème un élément qui, selon la logique sémantique, désigne l'être subissant l'action signifiée par le verbe, le "patient", COD de la phrase active.

Ce réarrangement communicatif peut obéir à plusieurs raisons :

  • Choix du thème de l'énoncé :

    • si l'on s'intéresse aux faits et gestes de "Marcel", il est légitime de faire de lui le thème de l'énoncé : "Marcel a acheté ces chocolats".

    • Mais si l'on s'intéresse aux "chocolats", à leur qualité, leur provenance, il est légitime de les prendre pour thème de l'énoncé, en construisant une phrase passive dont ils seront le sujet : "Ces chocolats ont été achetés par Marcel".

  • Progression textuelle à thème constant, lorsqu'un personnage agit et subit tour à tour une série d'actions :

    • "Marcel sortit du bar, fit quelques pas dans la rue et fut abordé par deux hommes qui lui demandèrent de l'argent. Il répondit qu'il n'en avait pas."

    Dans cette suite d'actions, l'emploi du passif est plus simple que l'actif avec changement de sujet. Et il permet à l'énonciateur de centrer son discours sur le thème "Marcel", sans se disperser.

  • Effacement de l'agent :

    Alors que la construction active indique forcément le sujet du verbe, le passif ne mentionne pas toujours l'agent de l'action verbale :

    • "Ce médicament dangereux a été vendu à des milliers de patients." (qui l'a vendu ?).

    Par suite, elle permet de taire l'identité de l'agent, voire d'en dissimuler l'existence, comme si l'action se faisait toute seule :

    • "Les bacheliers seront sélectionnés à l'entrée de l'université."

    Cela est parfois commode : prudence quand on manque de preuves pour nommer des responsables, dissimulation des agents d'un fait social...

  • Passif impersonnel :

    Cette opacité est encore plus forte quand le passif et la tournure impersonnelle[5] se combinent dans le passif impersonnel :

    • "Il a été décidé que l'orientation des bacheliers obéisse à certains prérequis."

    Cette tournure, qui s'applique surtout à des verbes de déclaration et de volonté, offre une certaine solennité mais efface les discussions préalables à la décision, ainsi que les responsables de celle-ci. Un vrai rideau de fumée !