Cordes Léon / Còrdas Leon (1913-1987)

Cordes Léon / Còrdas Leon

Cordes Léon / Còrdas Leon

Note Léon Cordes est un acteur important de l’occitanisme contemporain : écrivain, homme de théâtre, militant pour la langue et la culture. Originaire du Minervois, exactement de Siran dans l’Hérault, il passe à Minerve, haut-lieu du drame de la Croisade albigeoise, une grande partie de son enfance. Son inspiration se nourrit pour une bonne part de ce lieu des origines, entre mythe et histoire, ainsi que d’une culture populaire qu’il ne cesse de recueillir, en collectant inlassablement, à partir notamment de témoins familiaux, les récits de l’oralité populaire, à quoi s’ajoutent des lectures diverses, de Verlaine à Lorca.

Dès les années 1930, Léon Cordes rencontre Charles Camproux (auteur du premier manifeste occitaniste, Per lo camp occitan, en 1935), Ernest Vieu (homme de théâtre en langue d’oc très actif dans l’entre-deux-guerres), Roger Barthe, Max Rouquette, Pierre Azéma… Son premier ouvrage poétique, Aquarèla, paru en 1946, frappe par la limpidité de la parole. Après la Libération, une série de catastrophes naturelles l’obligent à quitter le Minervois et la propriété viticole familiale. Il restera néanmoins toute sa vie un « poèta pagés », un poète-paysan. Poète-paysan, il l’est également par son action de syndicaliste agricole. À partir de 1969, parallèlement au grand mouvement populaire et créatif occitan qui touche toute la création (« nouvelle chanson », édition, jeune théâtre d’oc…), Cordes renoue activement avec ses amours de jeunesse, le théâtre et la scène populaire ; il joue un rôle actif pour le développement du théâtre occitan en Languedoc.

Il publie dans les années 1970 des œuvres majeures, comme le recueil de nouvelles Los Macarels (1, 1974 et 2, 1982) ou son roman La Batalha dels teules (1979).

Se conti que conte

Se conti que conte,
couverture, calligraphie et dessins de l’auteur.

Se conti que conte page 1

Se conti que conte page 1, calligraphie et dessins de l’auteur.

 

Il n’hésita pas à se lancer dans l’auto édition, parfois avec l’aide de l’IEO, publiant aussi bien un opuscule d’apprentissage de la langue Apreni lèu-lèu l’occitan [s.d.] que son Pichòt libre de Menèrba / Petit livre de Minerve (1974), ou un recueil de poèmes calligraphié et illustré par lui-même, Se conti, que conte (1980). Pratiquant une sorte d’auto-diffusion, il parcourt inlassablement les routes occitanes afin de place ses ouvrages dans les librairies.

Fidèle à Minerve, la cité de son enfance et de son apprentissage de l’existence, il écrit en 1983, peu de temps avant sa mort, la pièce Menèrba 1210 sur le siège de la cité par les Croisés et le drame du bûcher. Son fils, le comédien et dramaturge Michel Cordes, réalisera à partir du texte une production théâtrale ambitieuse. Entièrement en occitan, le spectacle réunira plusieurs milliers de spectateurs deux années de suite.



Il pleut des étoiles

Il pleut des étoiles sur la colline.
Tous les yeux de la nuit
épient la vieille terre.
Par bonne ou male fortune
quel destin est à l’affût
grande ombre du figuier
ombre étoilée en ses mains ?

Aquarèla, 1945, repris dans Òbra poëtica, Béziers, CIDO, 1997, p. 28-29.

Mes mains

Voici mes mains, mes mains couleur de terre
écaillées par le mauvais temps et le travail,
mes mains ouvertes comme un livre,
quelque chose de dur, rebutant, simple et sincère
comme ma vie et ses tracas.

Voici mes mains qui voudraient être douces
pour lisser tes cheveux, pour caresser ton corps,
mes mains tordues comme une souche
et qui ne savent rien que l’étreinte râpeuse
du mancheron ou de la bêche.

Voici mes mains qui voudraient être généreuses,
donner plaisir des mains,
mes mains vides et révoltées,
mains libres, fraternelles, geste
désespéré vers l’avenir.

Voici mes mains qui pourtant donnent vie
à toute graine, à la plus frêle plante,
mes mains de sèves enchantées.
L’arbre en était greffé mais il ne m’a donné
que fruits de lune et de folie.

Voici mes mains qui ont écrit le poème
puis, sans prier, se sont fermées,
mes mains souffrantes comme un pauvre
de trop peiner, de trop lutter, de trop serrer
qui ne sont lasses que d’attendre.

Branca tòrta, 1964, repris dans Òbra poetica, Béziers, CIDO, 1997, p. 100-101.

Plòu d’estèlas

Plòu d’estèlas sus la sèrra.
Totis los uèlhs de la nuèit
espian la vièlha tèrra.
Per solàs o per misèra
quana estrada es a l’espèra
granda ombra de la figuièra
ombra estelada en sas mans ?

Aquarèla, 1945, repris dans Òbra poëtica, Béziers, CIDO, 1997, p. 28-29.

Mas mans

Aquí mas mans, mas mans color de terra
Bercadas del mal temps e del trabalh,
mas mans dobèrtas coma un libre,
quicòm de dur òrre, simple e sencèr
coma ma vida e son rambalh.

Aquí mas mans que se voldrián far doças
per alispar ton pel, fregar ton còs
mas mans coma un socam torcidas
que sabon res que lo quichar raspós
de l’esteva e mai del bigòs.

Aquí mas mans que se voldrián borgalas,
poder donar lo plaser de las mans,
mas mans voidas e revoltadas,
mans de libertat, frairalas, quichal
despoderat cap a deman.

Aquí mas mans que pasmens donan vida
a tota grana, al pus freule plantum,
mas mans de sabas encantadas.
L’arbre n’èra empeutat qu’a espelit
fruta de luna e de baujum.

Aquí mas mans qu’an escrit lo poëma
e puèi se son nosadas sens pregar,
mas mans dolentas coma un paure
de tròp servir, de tròp luchar, de tròp sarrar
mas son lassas que d’esperar.

Branca tòrta, 1964, repris dans Òbra poetica, Béziers, CIDO, 1997, p. 100-101.


Léon Cordes – Poésie

  • 1946 : Aquarèla, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 1964 : Branca tòrta, IEO « Messatges ».
  • 1975 : Dire son si, Comptador generau dau libre occitan.
  • 1977 : Obra poëtica, Béziers, CIDO.
  • 1980 : Se conti que conte, Lodève, auto-édition.

Léon Cordes – Théâtre

  • 1955 : La font de Bonas Gràcias, Avignon, Aubanel. Prix Théodore Aubanel.
  • 1983 : Menèrba 1210, IEO collection « Teatre d’òc ».

Léon Cordes – Romans et nouvelles

  • 1974 et 1982 : Los macarèls 1 e 2, IEO « A tots ».
  • 1977 : Sèt pans, IEO « A tots ».
  • 1979 : La batalha dels teules, Montpellier, Les presses du Languedoc.

Léon Cordes – Divers

  • 1964 : Théâtre et littérature populaires d’oc, Conférence donnée au XIIe stage pédagogique de l’Institut d’’Etudes Occitanes, La Ciotat, 1963, s.l., IEO.
  • 1974 : Le petit livre de Minerve / Lo pichòt libre de Menèrba, préface de René Nelli, illustrations de Jean-Luc Séverac, Lodève, imprimerie des Beaux-Arts.

    [s.d.] : L’occitan fondamental. Apreni lèu-lèu l’occitan, IEO sector espandiment.

Sur Léon Cordes

  • 1985 : Jean-Marie Petit, Leon Còrdas/Léon Cordes, notice biographique, bibliographie, iconographie…Béziers et Montpellier, CIDO et Association Occitania. Consultable au CIRDOC-Mediatèca occitana (cote CAC 1951).
  • 1986 : Yves Rouquette, « Léon Cordes, homme de parole et d’action », photos Charles Camberoques, Montpellier, Connaissance du Pays d’oc, n° 72, janvier-février 1986, p. 52-57.
  • 1987 : Henry Moline, Léon Cordes, lo ròc de Menèrba, Les Films verts, VHS. Consultable au CIRDOC-Mediatèca occitana (cote Audio-visuel-849 LEO).
  • 1988 : Jean-Frédéric Brun, « Òmes d’Occitània, Leon Còrdas nos a quitats », Òc, n° 8, julhet 1988, pp. 37-38.
  • 2014 : Philippe Gardy, « Léon Cordes, entre le réel et le mythe », in Paysages du poème, six poètes d’oc entre XXe et XXIe siècle. Léon Cordes, Robert Lafont, Bernard Lesfargues, Georges Reboul, Max Rouquette, Jean-Calendal Vianès, PULM, Montpellier, p. 63-77. http://www.pulm.fr/index.php/paysages-du-pome.html

Léon Cordes sur le site du CIRDOC

Léon Cordes – Discographie