Aubanel Théodore / Aubanèu Teodor (1829-1886)

Théodore Aubanel

« Teodor Aubanel ». Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

Théodore Aubanel est l’un des sept fondateurs mythiques du Félibrige. Appartenant par son père à la famille des « imprimeurs du pape » et descendant par sa mère, selon une légende familiale, d’un pirate grec enclin au rapt, il fut toute sa vie partagé entre une foi ardente et sincère et une nature tout aussi brûlante de sensualité. De cette déchirure procèdent son œuvre et son drame, que vont exacerber les dévots d’Avignon et qui finira par emporter le poète.

Son premier recueil, La Miougrano entre-duberto / La grenade entrouverte (1860), évoque dans sa première partie, « Le livre de l’amour », sa passion pour Jenny Manivet, chantée sous le nom de Zani, une jeune fille pauvre, rencontrée chez les frères Giéra, mécènes du Félibrige. C’est en effet dans leur propriété, à Font-Ségugne, le 21 mai 1854, que Mistral dit avoir établi avec ses amis les bases du félibrige au cours d’un banquet amical. Passion malheureuse, puisque Zani, d’abord partie à l’école de Bourg-Argental, puis à l’hospice Necker a Paris, finit par prendre le voile pour partir ensuite comme religieuse en Roumanie.

Ce grand poète lyrique exalte la beauté païenne et sensuelle dans son deuxième recueil, Li Fiho d’Avignoun (1885), qui lui vaut la condamnation des « cafards » provençaux, après le scandale de son drame de l’adultère, Lo Pan dóu pecat / Le Pain du péché, joué à Montpellier en 1878. Il est aussi l’auteur de deux autres pièces de théâtre (Lou Raubatòri / Le Rapt et Lou Pastre / Le Pâtre), ainsi que d’un recueil poétique posthume, Lo Rèire-souléu / Le Soleil d’outre-tombe).


La Grenade entr’ouverte – VI

Vous m’avez ôté le rire,
et donné le souci ;
plus violent martyre que le mien,
nul homme ne l’éprouve.

Guillaume de Cabestan

 — Ah ! ta petite main chaude et brune, donne-la-moi ! donne-la-moi ! Viens avec moi : il fait lune claire ; le ciel est étoilé.

— Ah ! ta petite main brune et chaude, mets-la dans ma main ! Asseyons-nous : sur le pan de ta robe, berce-moi comme ton enfant.

Sans bonheur je suis las de courir, las de courir comme un chien furieux ! Apaise-moi, je souffre et je pleure… Pourquoi chantez-vous, gais rossignols ?

La lune se cache ; tout devient sombre : la belle nuit ! — Ta main frémit, ô jeune homme, et ta main est froide ! — La tienne me brûle, ô Zani !

La Mióugrano entreduberto, édition Liprandi, Avignon, Aubanel, p. 18-20.

La Mióugrano entreduberto – VI

                Tòut m’avètz rire
                E donat passamen :
                Pus grèu martire
                Nuls òm de mi no sent.

                               Guilhem de Cabestanh

— Ah ! ta maneto caudo e bruno,
Baio-me la ! baio-me-la !
Vène emé iéu : fai claro luno,
Vène, lou cèu es estela.

— Ah ! ta maneto bruno e caudo,
Mete-l’aquí dedins ma man !
Asseten-nous, e sus ta faudo
Brèsso-me coume toun enfant !

Sènso bonur siéu las de courre,
Las de courre coume un chin fòu !
Assolo-me, soufrisse e ploure…
Perqué cantas, gai roussignòu ?

La luno s’escound ; tout soumbrejo :
La bello niue ! — Ta man ferni,
O jouvènt, e ta man es frejo !
— La tiéuno me brulo, o Zani !

La Mióugrano entreduberto, édition Liprandi, Avignon, Aubanel, p. 19-21.


Théodore Aubanel – L’œuvre

Théodore Aubanel – Poésie

  • 1861 : La Mióugrano entreduberto / La Grenade entr’ouverte , avant-propos de Frédéric Mistral, Avignon, éditions J. Roumanille. En ligne sur Gallica. Plusieurs rééditions, dont en 1980 celle de Marcel Petit, Raphèle-lès-Arles, Culture provençale et méridionale.
  • 1885 : Li Fiho d’Avignoun / Les Filles d’Avignon. En ligne sur Gallica.
  • 1889 : Lou Rèire-soulèu / Le soleil d’outre-tombe, recueil de poésies inédites réunies et publiées par Ludovic Legré, Avignon, Aubanel.

Théodore Aubanel – Théâtre

  • 1878 : Lou pan dóu pecat / Le pain du péché, Mount-pelié, Empremarié centralo dóu Miejour (li fraire Hamelin), 1882. Titre complet : Lou pan dóu pecat, dramo en cinq ate, en vers representa pèr la premiero fes sus lou teatre de Mount-pelié lou 28 de mai de 1878.
  • 1928 : Lou raubatòri / Le rapt, Avignon, Aubanel.
  • 1944 : Lou pastre/ Le pâtre, Avignon, Aubanel.

Théodore Aubanel – Œuvres complètes

  • 1976 à 1984 : Œuvres complètes de Théodore Aubanel en 6 volumes, établissement des textes, introduction, traductions et notes par Claude Liprandi, Avignon, Aubanel.

À propos de Théodore Aubanel

  • 1894 : Ludovic Legré, Le poète Théodore Aubanel. Récit d’un témoin de sa vie, Paris, Lecoffre.
  • 1955 : Claude Liprandi : Théodore Aubanel « poète maudit », conférence prononcée à Paris le 5 février 1955 à la Maison de la Pensée Française, Avignon, E. Aubanel, 47 p.
  • 1955 : Claude Liprandi : Sur un mot inédit de Théodore Aubanel : « Je ne suis plus rien dans le Félibrige… », documents inédits, Avignon, Aubanel père, 69 p.
  • 1960 : Joseph Salvat : La grenade entr’ouverte d’Aubanel : étude historique et littéraire, Avignon, E. Aubanel, 250 p. Notes bibliographiques, index.
  • 1961 : Revue de langue et littérature provençales, n° 5-6, « Écrits sur la Grenade Entr’ouverte », Avignon, Centre d’études et de culture provençales, 261 p.
  • 1987 : René Dumas, Études sur Théodore Aubanel, Le poète ligoté et Avignon au XIXe siècle, Saint-Rémy-de-Provence, Centre de recherches et d’études méridionales.
  • 2010 : Corinne Lissalde : Théodore Aubanel et Ludovic Legré. Histoire d’une amitié littéraire : édition de leur correspondance, thèse dirigée par Jean-Yves Casanova, Université de Pau et des Pays de l’Adour. 2 vol. (1477 p.), Numéro national de thèse : 2010PAUU1000.
  • 2014 : William Calin : « Sex, Violence, and Rural Provence : An Essay on Théodor Aubanel’s Lou Pastre »/ Willian Calin, publié dans : Amb un fil d’amistat : Mélanges offerts à Philippe Gardy, par ses collègues, ses disciples et amis réunis par Jean-François Courouau, François Pic et Claire Torreilles, Toulouse, Centre d’étude de la littérature occitane, p. 259-265 .
  • 2014 : Rose Blin-Mioch, « Lo pan dóu pecat de Teodor Aubanel dins la batèsta sul maridatge al sègle XIX », publié dans Los que fan viure e treslusir l’occitan, Actes du Xe Congrès de l’AIEO, Béziers, 2011, Los que fan viure e treslusir l’occitan, édités par Camen Alén Garabato, Claire Torreilles et Marie-Jeanne Verny, Limoges, Lambert-Lucas, pp. 804-813.
  • Sur le site du CIRDOC, on consultera la fiche consacrée au fonds Aubanel, conservé aux archives départementales du Vaucluse : http://biblimulti.locirdoc.fr/items/show/11114.