Chadeuil Michel / Chapduelh Michèu (1947)

Michel Chadeuil

Michel Chadeuil

Michel Chadeuil est né à Agonac, en Périgord, dans une famille paysanne occitanophone (dialecte limousin).
Professeur de français et d’occitan, poète et auteur de chansons, linguiste et chercheur en lexicographie, ethnographe et ethnobotaniste, romancier, humoriste, conteur, onirographe…
Il fonde en 1975, avec Jan dau Melhau et Marcelle Delpastre, la revue Lo Leberaubre, dont le but est de revivifier la littérature limousine d’expression occitane par sa rencontre avec l’esprit populaire (jugé préchrétien) et la littérature orale.
Michel Chadeuil excelle aussi dans la chronique grinçante, dont il a publié deux volumes, le dernier en collaboration avec son fils Denis. Sa fille Cécile vient, pour sa part, de publier un recueil de poèmes aux éditions du Chamin de sent Jaume.
Cette présentation d’un de ses ouvrages d’ethnographie, J’ai refermé mon couteau, par les libraires Catherine et Jacky Raimbault (Des livres et nous, Périgueux), rend bien compte du talent de l’auteur, au-delà de ce seul livre (http://lavitaenoc.blogs.dordognelibre.fr/archive/2013/06/11/michel-cha.html) :

« Ce livre, au titre un peu énigmatique, est organisé en chapitres thématiques qui lui confèrent sa rigueur descriptive. Ce n’est qu’une impression aussitôt démentie par les digressions et les souvenirs de l’auteur qui donnent à ce livre sa chair et sa saveur. Michel Chadeuil parle d’ethnographie vicinale, à la fois par modestie et par réalisme, puisque son lieu d’observation est un hameau et son voisinage, et ses archives se constituent de sa propre mémoire. Peu à peu l’étude laisse place à la promenade – c’est en marchant lentement que l’on fait le plus de rencontres – parmi les mythes, croyances et rites, rapports entre classes sociales, civilité et convivialité dans la société rurale. Michel Chadeuil est parfois nostalgique mais jamais passéiste. Il interroge bien plus qu’il n’affirme parce qu’au bout du compte, Michel Chadeuil est un paysan qui exerça le métier d’enseignant, un pied dans chaque monde, et s’il prend partie, il le fait toujours avec humour ».

En ce qui concerne son talent de conteur, entre tradition et modernité, il est ainsi défini par Alain Rassat (http://www.ewanews.com/component/content/article/6-terrassonnais-loisirs-et-culture/2072-michel-chadeuil-a-lecrit-et-a-loral) :

« Jubilatoire aussi de l’entendre conter en occitan ses contes humoristico-fantastico-satiriques tellement actuels dans leur propos et pourtant tellement ancrés dans la tradition populaire. Les rois, les fées, les dragons ont dû se mettre au goût du jour, leur statut a légèrement changé, ils sont maintenant promoteur, trader, représentante en accessoires ménagers, mais leur fonction sociale n’a guère varié. Ils entendent toujours nous métamorphoser, nous enchaîner, nous dominer par la peur. Parfois aussi nous faire découvrir une chaleur humaine, une poésie que l’on croyait perdues. Avec un grain d’absurde et de folie qui nous chatouille l’imaginaire. »

 


Rêve 28 : Mise en abîme (2)

Nuit du 12 au 13 juillet 1992
Couleurs : vives, image ourlée de blanc

Couleuvres, tritons, salamandres, orvets, anguilles peut-être… Ça grouille de partout, ça ondule, ça se tortille… Je n’ai pas peur. Je ne crains pas. J’en tue avec un bâton, à coups de talon, je les ouvre avec mon couteau, je les étripe, les coupe en morceaux… Je marche pieds nus sur cet enchevêtrement visqueux.
Des gens, dont je ne sais trop ce qu’ils font là, passent dans mon rêve. Un jeune homme aux yeux rêveurs. Il est entouré de serpents et ne sait pas où poser les pieds. « Ce rêve est trop violent, me dit-il. Je ne peux rester dedans. Je m’en vais. » Il enjambe le cadre blanc dont je m’aperçois maintenant qu’il fait le tour de l’image de mon rêve, et il disparaît.
Il revient un peu après. Dans le rêve rien n’a changé. « Quand tu feras des rêves un peu plus paisibles, moins pleins de venin et de symboles conventionnels, je viendrai te dire ce que je dois te dire. En attendant, je le quitte, ton rêve. »
Il revient encore une fois. Tout est calme cette fois-ci. Plus de serpents. Une grande table est mise sous les arbres. Les invités commencent à arriver. Le jeune homme n’est pas un des invités attendus, mais il l’est sur-le-champ. Il s’assied parmi les autres. Service. Plats qui passent, couverts. Un homme soulève le couvercle de la soupière que quelqu’un vient de lui passer. Dedans ça grouille de partout, ça ondule, ça se tortille…
Une voix dit : « Et maintenant, pour honorer notre aimable jeune invité, coucasses de boa constrictor ! »
Il se lève, blanc comme le fond d’une assiette, et il sort de mon rêve. Je me retrouve au milieu de couleuvres, de tritons, de salamandres, d’orvets et peut-être d’anguilles. Ça grouille de partout, ça ondule, ça se tortille… Plus d’arbres, de prairie, de table, d’invités…
J’attends qu’il revienne, mais personne ne passe le cadre blanc qui délimite mon rêve. « Mais où est-il passé ? » me demande une voix. Je pense que c’est un des invités, mais je ne sais pas lequel. Je lui réponds : « Je ne sais pas. Mais vous ne le reverrez pas. Et moi non plus, car je vais me réveiller. » Et je me réveille.

Que voulait me dire ce jeune homme qui était un peu mon « étranger vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère » ? Disons que les rêves de serpents sont “recouverts” dans la journée par un orage. Ça n’a pas manqué. J’aurais peut-être dû l’oublier mais je l’avais écrit.
Les « coucasses » ? Je n’en sais pas plus que toi. Partie de la bête ? Recette ?

« Derrière les yeux »Traduction française de Joan-Guilhem Roqueta, inédite.

Raive 28 – Mesa en abisme (2)

Nuech dau 12 au 13 de julhet de 1992.
Colors : vivas, imatge orlat de blanc.

Serps, verjàs, perlachas, naduelhs, anguilhas benleu… Quò belina de pertot, quò serpenteja, quò se torcilhona… Ai pas paur. Cranhe pas. Ne’n tue emb un baston, a còps de talon, los druebe emb mon coteu, los copinhe, los abocine… Vau los pés nuts sus quel entrebreschadís lipeiós.
Dau monde, que sabe pas tròp çò que fan aquí, passan dins mon raive. Un òme joune daus uelhs raivassaires. Es environat de serps e sap pas onte pausar los pés. « Queu raive es tròp violent, me ditz. Pòde pas demorar dedins. Me’n vau. » Escambala lo quadre blanc que vese aurá que fai lo torn de l’imatge de mon raive, e dispareis.
Tòrna gaire de temps après. Dins lo raive tot es totjorn parier. « Quand faràs daus raibes un pauc mai pasibles, mens emplits de veren e de simbòus convencionaus, te vendrai dire çò que te deve dire. Per aurá lo quite, ton raive. »
Tòrna un còp de mai. Tot es suau queste còp. Pas mai de serpinalha. Una granda taula es mesa jos los aubres. Los convidats començan d’arribar. Lo tipe es pas un daus convidats esperats, mas es convidat a queu moment. Se sieta demest los autres. Servici. Plats que passan, cuberts. L’òme leva lo cubertilh de la sopiera que quauqu’un ven de li passar. Dedins quò belina de pertot, quò serpenteja, quò se torcilhona…
Una votz ditz : « E aurá, per onorar nòstre brave joune convidat, cocassas de boà constrictor ! »
Se leva, blanc coma un cuol de sieta, e suert de mon raive. Me tòrne trobar au mitan de serps, de verjàs, de perlachas, de naduelhs e benleu d’anguilhas. Quò belina de pertot, quò serpenteja, quò se torcilhona… Pas mai d’aubres, de prada, de taula, de convidats…
Espere que tòrne, mas degun passa lo quadre blanc que boina mon raive. « Mas onte es passat ? » me damanda una votz. Pense que quo es un daus convidats, mas sabe pas quau es. « Sabe pas, li responde. Mas lo tornaretz pas veire. E io tanpauc, que me vau esvelhar. » E m’esvelhe.

Que me voliá dire queu goiat que era un pauc mon « étranger vêtu de noir qui me ressemblait comme un frère » ? Disem que los raives de serps son esfaciats dins la jornada per un auratge. Quò manquet pas. Auriá benleu degut l’oblidar mas l’aviá escrich.
Las « cocassas »
? Coneisse pas mai que tu. Partida de la bèstias ? Recepta ?

« Darreir los uelhs », Lo Leberaubre, n°26, 2003, p. 30.

Michel Chadeuil – Poésie

  • 1969 : Lo còr e las dents / Le cœur et les dents, dans Traces Magazine.
  • 1970 : L’Òme, pas mai / L’Homme, sans plus, revue Lemouzi.
  • 1971 : L’Emplumat / L’Emplumé, Périgueux.
  • 1996 : Un temps per viure / Un temps pour vivre, poèmes en prose, IEO.
  • Nombreux poèmes mis en musique et chantés par divers artistes comme Joan-Pau Verdier, Joan-Francés Latornaria, Daidier Duponteix, Jacmelina, Gui Broglia, Perlinpinpin Fòlc, Les Fabulous Trobadors.

Langue

  • 1978 : Lo Chen en Lemosin, Vocabulaire du chien dans les parlers limousins, avec Pierre Lallet, EOE.
  • 2008 : Dictons et expressions populaires en Périgord-Limousin, éditions Christine Bonneton.
  • 2008 : Plantes des Causses et des Truffières, leurs noms populaires occitans en Périgord, avec Jean-Claude Martegoutte, Novelum IEO 24.

Ethnographie

  • 1978 : Quand las Bèstias parlan… Étude sur les mimologismes populaires en occitan, accompagnée d’un disque 30 cm.
  • 1996 : Çò que disen las Bèstias… Livret de vulgarisation sur les mimologismes animaux destiné aux écoles bilingues, édition languedocienne et édition limousine.
  • 1987 : Beure et minjar lo país / Boire et manger le pays, Novelum.
  • 1994 : Cuisine paysanne en Périgord, Aurillac, L’Ostal del Libre.
  • 2012 : J’ai refermé mon couteau, petites digressions d’ethnographie vicinale, Lo chamin de sent Jaume, collection « De temps pacan ».

Michel Chadeuil – Romans

  • 1973 : De temps en temps. Réédition Novelum/IEO « A tots », 1981.
  • 1980 : La Segonda [La Seconde Lune], IEO « A tots » e Lo Leberaubre.

Michel Chadeuil – Contes

  • 1983 : L’Arquibaunobiliconofatz, en collaboration, IEO.
  • 1996 : Grizzly-John o la persisténcia dau mite, IEO « A tots ».
  • 2011 : La Fada multicarta [La Fée multicarte], Toulouse, Letras d’òc.

Michel Chadeuil – Cronicas

  • 1996 : Coleras, Puylaurens, IEO-IDECO.
  • 2014 : Coleras e retrachs, en collaboration avec Denis Chadeuil, son fils, Puylaurens, IEO-IDECO.

Michel Chadeuil – Onirologie

  • Darrier los uelhs / Derrière les yeux, Carnet de rêves. 3 tomes, Lo Leberaubre 2003-2008.

Ressources numériques sur Michel Chadeuil