Paulin Louisa / Paulin Loïsà (1888-1944)

Portrait de Louisa Paulin

Louisa Paulin – avec l’aimable autorisation des amis de Louisa Paulin.

Louisa Paulin est née à Réalmont dans le Tarn, d’une famille de modestes cafetiers dont l’occitan était la langue d’usage. Comme certaines jeunes filles pauvres de son époque, elle put mener des études à l’école primaire supérieure, puis à l’École Normale, celle d’Albi en l’occurrence. Elle devint institutrice dans divers village du Tarn, puis professeur à l’école primaire supérieure de Tulle, où elle demeura 18 ans.

Sa vie, assombrie par un mariage malheureux et la mort prématurée de ses trois enfants, fut écourtée par une maladie qui la contraignit, à 46 ans, d’abandonner la carrière d’enseignante qu’elle avait tant aimée.

Louisa Paulin écrivit ses premières œuvres en français, avant de découvrir, grâce à un voyage en Catalogne (août 1934), la dignité du catalan et, par ricochet, celle de l’occitan. Ainsi écrit-elle à André Boussac : « Je sais l’occitan d’instinct, l’ayant parlé exclusivement jusqu’à sept ans. […]. J’ai découvert des analogies frappantes entre le catalan et mon languedocien. J’ai eu un si grand plaisir, grâce à l’espagnol et au languedocien, à découvrir quelques aspects de la littérature catalane que j’ai songé aussitôt aux richesses de ma propre terre d’oc dont je me suis jusqu’ici si sottement privée. » Dès lors, elle apprend à écrire l’occitan au Collège d’Occitanie à Toulouse dirigé par l’Abbé Salvat qui deviendra l’un de ses mentors et elle continuera à construire son œuvre poétique dans les deux langues.

Cette œuvre poétique, toute de pudeur et de retenue, est marquée par la présence d’une nature amie qui devient porte-parole des émotions. On y lit aussi l’empreinte d’une culture orale qui avait nourri la jeune Louisa, berceuses et chants folkloriques notamment, mais la sensibilité personnelle de l’auteure est partout perceptible, colorant de tristesse la « Breçairòla per la nena » ou la chanson du « Rossinholet ». On y décèle enfin les convictions « albigéistes » : le souvenir de la Croisade contre les cathares qui sert de masque pendant la guerre à l’évocation des exactions nazies.

Également remarquables sont le journal et la correspondance de l’auteure en cours de publication chez l’éditeur Vent Terral, auquel nous devons la mise à disposition du public de cette œuvre encore trop peu connue, ou trop réduite, selon nous, à son usage scolaire.

 


Rêve

Nous rêverons, dans le soir, à des sources perdues,
bourgeons d’eau et musicales fleurs de lumière
qui jamais, jamais plus,
ne vous vêtiront d’amour, ô pauvres terres nues !
Miracle du silence, de l’eau, de la lumière,
ô beautés perdues !
Quel vent vous a bues,
ô vous, sources perdues,
qui ne pouvez plus fleurir ?
Nous rêverons, dans la nuit, à des sources perdues
et je poserai mon front sur tes belles mains nues.
Mes larmes, non plus, tu ne les verras pas fleurir.

Œuvre poétique / Òbra poetica, J. Blanc éditeur, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2015, p. 275. Version française de l’auteure.

Silence de l’automne

Silence de l’automne quand le vent s’est posé
doux comme une plume de palombe
échappée de la noire main du chasseur.
Silence blond de l’automne
où l’on entend la dernière guêpe
et le plus caché au plus profond du cœur.

Œuvre poétique / Òbra poetica, J. Blanc éditeur, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2015, p. 306. Version française de l’auteure.

Sosc

Soscarem, dins la nuèit, a de sorgas perdudas,
borrons d’aiga e musicalas flors de lutz
que jamai, jamai plus,
vos vestiràn d’amor, ò pauras tèrras nudas !
Miracle del silenci, de l’aiga, de la lutz,
ò belòias perdudas !
Quin vent vos a begudas,
ò vos, sorgas perdudas
que podètz plus florir ?
Soscarem, dins la nuèit, a de sorgas perdudas
e pausarai mon front sus tas bèlas mans nudas…
Mas lagremas, tanpauc, las veiràs pas florir.

Œuvre poétique / Òbra poetica, J. Blanc éditeur, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2015, p. 275.

Silenci de l’auton

Silenci de l’auton quand lo vent s’es pausat
doç coma una pluma de palomba
escapada de la negra man del caçaire.
Silenci saure de l’auton
ont s’ausís la darrièra vèspa
e lo mai escondut al plus prigond del còr.

Œuvre poétique / Òbra poetica, J. Blanc éditeur, Valence d’Albigeois, Vent Terral, 2015, p. 307.


Louisa Paulin – L’œuvre

L’essentiel est aujourd’hui réuni par Vent Terral à Valence d’Albigeois. Voir : http://www.vent-terral.com/blog/category/selection/louisa-paulin/.

  • 1947 : Rythmes et Cadences, Albi, Éditions du Languedoc.
  • 1969 : Poèmes, introduction de L. Charles-Bellet, note de J. Salvat, version française des poèmes occitans de l’auteure, deux portraits et un autographe, Albi, éditions de la revue du Tarn.
  • 1987 : Je voudrais bâtir une ville heureuse, anthologie poétique bilingue, préface de Jacques Madaule, 2edicion 1999, Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 1984 : Direm a la nòsta nena, poëmas occitans pels enfants e pels joves, antologia poetica bilingüa, prefaci e causida de Jòrdi Blanc, Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 1989 : Journal (1923-1958), Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 1991 : Correspondance Louisa Paulin– René Rouquier (1936-1944), Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 1994 : L’Escalièr de veire. Aires vilatgeses, antologia poetica bilingüa, introduccion e revirada a l’occitan de Jòrdi Blanc, Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 2007 : Correspondance Louisa Paulin – Antonin Perbosc  (1936-1944), Valence d’Albigeois, Vent Terral.
  • 2015 : Sosc / Rêve, poèmes dits par René Rouquier, livre-CD, Valence d’Albigeois, Vent Terral.

Sur Louisa Paulin

  • On consultera les préfaces et autres documents d’accompagnement des œuvres éditées par Vent Terral. Un site est consacré à l’auteure par l’association des amis de Louisa Paulin : http://www.louisa-paulin.org/.
  • 1994 : Gui Sengès, Una vida, una òbra. Loïsa Paulin, conférence prononcée à l’occasion du 50e anniversaire de la mort de l’écrivaine, section du Tarn de l’IEO.