Manciet Bernard / Manciet Bernat (1923-2005)

Manciet dédicace Imagier de la Grande Lande

Bernard Manciet dédicace l’Imagier de la Grande Lande. Photo Danièle Cayla

L’un des écrivains occitans les plus importants et les plus originaux du XXe siècle est né en 1923 à Sabres dans les Landes. Après l’école de Sabres et les cours de latin-grec que lui dispensent à Talence ses oncles curés et qui feront de lui un lettré humaniste capable de lire les auteurs antiques dans le texte, après le lycée à Bordeaux, il suit à Paris des études de lettres et de sciences politiques. Le jeune diplomate commence sa carrière dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre, pour la poursuivre en Amérique latine, avant de reprendre dans les Landes la direction de la petite entreprise de bois familiale de son épouse. Remarqué très tôt pour son irréductible originalité, encouragé par Michel Camelat, toujours intarissable et déconcertant, il ne cesse d’écrire jusqu’à sa mort poésie, prose narrative, essais et, à partir des années 1990, théâtre. Il dirige la revue ÒC pendant de nombreuses années.

L’ensemble de son œuvre, œuvre avant tout de poète, quel que soit le genre abordé, laisse l’impression d’un inépuisable jaillissement verbal, d’une invention sans cesse renouvelée, d’un flot de lave incandescent parcouru de fulgurances, comme si la combustion devait être l’état ultime de la poésie. Manciet n’a cessé de répéter que son modèle était la parole populaire et l’éloquence sacrée, et que le poème écrit n’est qu’une étape vers sa profération, lui-même se découvrant à partir de soixante ans une vocation de lecteur public de ses propres poèmes, avec la complicité du musicien Bernat Lubat. C’est également avec la complicité du metteur en scène Gilbert Tiberghien qu’il écrit une trilogie théâtrale inspirée de la tragédie grecque pendant les dix dernières années de sa vie.

Parmi ses œuvres maîtresses, celles qui font figure de somme poétique sont assurément L’enterrament a Sabres et Lo Brèc ou la Blanche Nef. L’enterrament a Sabres se présente comme la cérémonie de funérailles d’une vieille femme, la dauna, figure emblématique d’une Grande Lande en train de disparaître.

Bernard Manciet - autoportrait

Autoportrait de Bernard Manciet, collection personnelle Serge Javaloyès, avec son aimable autorisation.


Celle qui n’avançait que derrière ses pas…

Celle qui n’avançait que derrière ses pas
la dure sombre est enfin morte notre Dame
l’affaire est bien conclue on l’emporte elle a vu
trois guerres et tout plein de mâles gaspillés
parlez-en la guerre de 14
elle cahote ne pèse pas ses soixante
caoutchoutée est la roue en fleur jaune de rue
ô perles ô couronne ô guerre de 14
les corbillards de jour aux jantes emplumées
La guerre de 14 et sous terre les forces
qui toussent et couronne et tambour sur les landes
elle tangue aux étés anciens qui sous la terre
éclatent de grenades mûres tous nos morts
elle a jointes les mains comme pattes de canes
le boiteux de Verdun l’emporte et puis les autres
bourrasque belle ô vous insectes ô vous perles
médaillés foule plus qu’aux foires sans compter
les feux éteints car il faut honorer les morts […]

L’Enterrement à Sabres, La levée du corps, I, début, Ultréia, p. 8.

Era dont anava nega hòrta de darrèr sons pès…

Era dont anava nega hòrta de darrèr sons pès
la Dauna nòsta qu’es mòrta qu’i metó pro pausa – adara
qu’i èm e que se la pòrtan a l’enavant
tres guèrras quant de mascles perits s’aver vist
14 e 18
digadangada pesa pas las tres-vint liuras
a las arròdas caochó sas grans arròdas d’arruda
e de coronas de pèrlas – 14 e 18 – mès la lutz
sas arròdas granas de bròs plumaishadas
– 14 e 18 e los arrats mac-cullòcs devath tèrra
suu país corona e tambar
trica-trocada qu’es – nòstes d’auts còps d’estiu d’estius
d’en devath tèrra las granadas d’aqueths vielhs mòrts
las mans amassa qu’a com un guit mòrt portada
– lo Verdun-Tòrt – per la comuna sancèra qu’es portada
beth còp de moscas de pèrlas
qu’i a mèi de monde mèi de decoracions que per Sent-Miquèu – shens comptar
tots los lòcs vuits aqueths tanben serén vienuts
la mòrt qu’es la mòrt […]

L’Enterrament a Sabres, La livada dau còs, I, debut, Ultréia, p. 9.


    Bernard Manciet – Poésie

  • 1955 : Accidents, IEO. Réédition L’Escampette, Bordeaux, 1999.
  • 1968 : Compressor / Compresseur, Alain Sanchez. Réédition L’Escampette, Bordeaux, 1978. Nouvelle édition L’Escampette, 2000.
  • 1972 : Gestas, Cap e Cap.
  • 1984 : Òdas / Odes, Toulouse.
  • 1989 : L’Enterrament a Sabres, Garein (Landes), éditions Ultreïa. Réédition Mollat, Bordeaux, 1996. Réédition Paris, Poésie/Gallimard, 2010, avec une préface de Jacques Roubaud.
  • 1995 : Strophes pour Feurer, Bordeaux, L’Escampette.
  • 1996 : Sonets / Sonnets, Jorn, Montpeyroux.
  • 1996 : Per el Yiyo, Bordeaux, L’Escampette.
  • 1996 : Véniels, Bordeaux, L’Escampette.
  • 1998 : Impromptus, Bordeaux, L’Escampette.
  • 1999 : Les Vigilantes, Bordeaux, L’Escampette.
  • 2000 : Compresseur, suivi de Poussière, Bordeaux, L’Escampette.
  • 2001 : Pastel, alchimie du bleu, livre fait à la main, La part des anges éditions.
  • 2001 : Le Dire de Guernica / Lo dider de Guernica, Bordeaux, L’Escampette.
  • 2001 : Aux Portes de Fer / A las Pòrtas de Hèr, Bordeaux, L’Escampette, 2001
  • 2002 : Cobalt, Bagnères de Bigorre, éditions Cadratins.
  • 2002 : Le Grand Vent / La Ventòrla, , Bordeaux, L’Escampette
  • 2003 : Éloge de la Rose, Bordeaux, L’Escampette.
  • 2003 : Preu còishe de Bassorà / Pour l’enfant de Bassora, Bordeaux, L’Escampette
  • 2004 : De nouveau Cordoue / Cordoa enqüèra, Bagnères de Bigorre, éditions Cadratins.
  • 2006 : Les murmures du mal,Bordeaux, L’Escampette.
  • 2006 : Ecorchés, photographies Eric Chabrely, La part des anges éditions.
  • 2006 : Lo Brèc ou la Blanche Nef, poèma, édicions Reclams.
  • 2007 : L’Eau mate, Bordeaux, L’Escampette.

Bernard Manciet – Théâtre


  • 1997 : Roncesvals / Roncevaux, Pau, Éditions Covedi.
  • 1999 : Les Émigrants ou Iphigénie devant la gare [Los Hòra-trèits o Ifigenia davant la gara], Bordeaux, L’Escampette.
  • 2000 : Ulisses au flume / Ulysse au fleuve, Reclams.

    Orfèu, inédit

Bernard Manciet – Prose narrative


  • 1964 : Lo Gojat de noveme, Revue Òc, n° 232. 2e édition IEO « A tots », 1964. 3e édition avec traduction française de Guy Latry, Pau, Reclams / Escòla Gaston Febus, 1995. 4e édition Reclams, Pau, 2003.
  • 1976 : La Pluja. Lo camin de terra, Pau, Per Noste.
  • 1987 : Le Jeune Homme de novembre. La Pluie. Le Chemin de terre, traduction des deux livres précédents par Alem Surre-Garcia, Paris, Le Chemin Vert.
  • 1992 : Elena, Fédérop-Jorn.
  • 2005 : Casaus perduts, nouvelles, édicions Reclams. Traduction française de Guy Latry, Jardins perdus, Bordeaux, L’Escampette.

Bernard Manciet – Essais


  • 1981 : Le triangle des Landes, éditions Arthaud. Nouvelle édition corrigée : Serres-Morlaàs, éditions In 8, 2005.
  • 1987 : Le Golfe de Gascogne, éditions Arthaud.

Bernard Manciet – Discographie

  • 2004 : 12 sonnets de Manciet chantés par les Manufactures Verbales, musique de Jakez Aymonino, Menestrèrs Gascons.
  • 2001 : Poïésiques, poèmes de Bernard Manciet dit par l’auteur sur une musique de Bernard Lubat, 2 volumes avec livret de 80 pages comportant des reproductions de peintures de Bernard Manciet et une présentation de Patrick Lavaud.

Sur l’auteur

  • 1994 : Entre Gascogne et Provence – Itinéraire en lettres d’Oc, entretiens réalisés par Jean-Luc Pouliquen avec Serge Bec et Bernard Manciet, Aix-en-Provence, Édisud.
  • 1996 : Guy Latry éd., Bernard Manciet. Le feu est dans la langue, Bordeaux, CELO et William Blake and C°, avec un « Essai de bibliographie de l’œuvre publiée et inédite de Bernard Manciet » par François Pic, pp. 203-241.
  • 2010 : Dossier « Bernard Manciet », revue Europe, n° 971.

Bernard Manciet – Filmographie – Sitographie