Bec Pierre / Bec Pèire (1921-2014)

Pierre Bec / Pèire Bec

Pierre Bec / Pèire Bec
© Photo : Georges Souche

Pierre Bec, né à Paris en 1921, est un linguiste et un écrivain. Il apprend le gascon à Cazères-sur-Garonne dans la famille de son père, originaire de cette région, et l’allemand en Autriche, où il est envoyé dans le cadre du STO en 1943. À la fois germaniste et romaniste, il se consacre pour l’essentiel à l’étude du « diasystème occitan » et de la littérature médiévale, dont il propose plusieurs anthologies, entre autres une Anthologie des troubadours, plusieurs fois rééditée. Il a été professeur de linguistique romane et de littérature médiévale à l’Université de Poitiers. De plus, il a joué un rôle important dans la normalisation du gascon et il a présidé l’IEO pendant 14 ans.

En poésie, Pierre Bec est d’abord l’auteur de poèmes limpides et sereins, mais nostalgiques, hantés par l’obsession du temps et l’omniprésence de la nature (Au briu de l’estona, 1955). Le XXe siècle, ses guerres et ses crises font irruption dans les recueils suivants, où le poète évoque l’Allemagne (avec plusieurs allusions à Gottfried Benn), la mort et l’inquiétante modernité. L’amour courtois et baroque constitue une seconde source d’inspiration, le poète essayant de fondre en un seul flux poétique ces deux moments littéraires que sont le trobar et la Renaissance gasconne, symbolisés par la figure d’Iseult et d’Isaure. Il recourt souvent à la forme fixe du sonnet ou aux grands genres médiévaux, qu’il modernise en les adaptant librement : canso, sirventés, alba, ballade et surtout chant royal et sextine, deux formes à chacune desquelles il a consacré un recueil. Enfin sa traduction gasconne de la Chanson de Roland, qui reprend dans sa forme les laisses de décasyllabes assonancés de l’original, peut être considérée comme une œuvre poétique à part entière.


Liturgie

Un rameau baigné d’eau bénite
une église du temps passé
sur le coteau du romarin
un pleur s’égouttant sur la table…

Dans le ciboire de mon sang
un soleil mourant qui revêt
sa dalmatique de silence.

Égrenés que sont mes jours
comme un rosaire
de secrètes liturgies.

J’ai lu tous les antiphonaires
et dans la bible de tes yeux
le chemin de croix
du vieux mépris.

Tu riais de l’agneau mystique
mais tu avais soif de pureté
et le premier rayon lavait
amie, tes humbles pieds de nuit.

Mais pourquoi dans le ciel blanchâtre
ton souvenir
là-bas
ô Dieu
comme une hostie
de feu ?

Ah ! si c’était ça l’éternité !

Liturgia pagana, Montpeyroux, Jorn, 2010, p. 66. Traduction de l’auteur.

Liturgia

Un arram chòp d’aiga senhada
ua glèisa de bèth-temps-a
sus lo tepèr deu romanin
un plor gotejant sus la taula…

Dens lo cibòri de ma sang
un só-coc morider que bota
sa dalmatica de silenci.

Desgruats que’s son los mens dias
com un rosari
de secretas liturgias.

Qu’èi lejut los antifonaris
e dens la bíblia de tos uelhs
lo camin de crotz
deu vielh mesprètz.

Que risès de l’anhèth mistic
mès qu’avèvas set de puressa
e lo primèr rai que lavava
amiga, los tons pès de nueit.

Mès perqué dens lo cèu blancàs
lo ton soviéner
lahòra
ò Diu
com ua ostia
de lutz ?

A ! Hosse aquò l’eternitat !

Liturgia pagana, Montpeyroux, Jorn, 2010, p. 67.

Pierre Bec – Création littéraire

Pierre Bec – Poésie


  • 1955 : Au briu de l’estona, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 1966 : Mains d’aube (en français), Rodez, Subervie.
  • 1971 : La quista de l’Aute, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 1979 : Sonets barròcs entà Iseut, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 1985 : Cant reiau, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 1995 : Cants de l’arrèr-vita, Toulouse, IEO « Messatges ».
  • 2005 : Perpetuum mobile, Puylaurens, IEO « Messatges ».
  • 2010 : Liturgia pagana, Montpeyroux, Jorn.
  • 2012 : Au virar de l’aura, Toulouse, Letras d’òc.
  • 2014 : La cançon de Roland, Montpeyroux, Jorn.
  • Inédit : Trobar negre.

Pierre Bec – Prose


  • 1977 : Contes de l’unic, Orthez/Toulouse, IEO « A tots »/Per Noste.
  • 1978 : Lo hiu tibat. Racontes d’Alemanha, Toulouse, IEO « A Tots ».
  • 1981 : Sebastian, roman, Mussidan, Fédérop.
  • 1984 : Contes esquiçats, Orthez/Toulouse, IEO « A tots »/Per Noste.
  • 1993 : Racontes d’ua mòrt tranquilla, Pau, Reclams.
  • 2004 : Entà créser au món, Pau, Reclams.

Pierre Bec – Travaux scientifiques


  • 1961 : Les saluts d’amour du troubadour Arnaud de Mareuil, Toulouse, Privat.
  • 1963 : La langue occitane, Paris, «  Que sais-je ? ».
  • 1968 : Les interférences linguistiques dans les parlers du Comminges et du Couserans. Essai d’aréologie systématique, Paris, PUF.
  • 1970 : Nouvelle anthologie de la lyrique occitane du Moyen Age, Avignon, Aubanel.
  • 1971 : Manuel pratique de philologie romane, Paris, Picard, vol. 1.
  • 1972 : Manuel pratique de philologie romane, Paris, Picard, vol. 2.
  • 1973 : Manuel pratique d’occitan moderne, Paris, Picard.
  • 1977 : Anthologie de la prose occitane du Moyen Age, 2 volumes, Avignon, Aubanel.
  • 1977 : La lyrique française au Moyen Age, Paris, Picard, vol. 1.
  • 1978 : La lyrique française au Moyen Age, Paris, Picard, vol.2.
  • 1979 : Anthologie des troubadours, Paris, 10/18.
  • 1984 : Burlesque et obscénité chez les troubadours, Paris, Stock.
  • 1988 : Arnaut de Carcassés. Las novas del papagai, Mussidan, Fédéroc.
  • 1992 : Vièles et violes. Variations philologiques et musicales autour des instruments à archet du Moyen Age, Paris, Klincksieck.
  • 1992 : Ecrits sur les troubadours et la lyrique médiévale (1961-1991), Orléans, Paradigme.
  • 1994 : Pour un autre soleil… Le sonnet occitan des origines à nos jours. Une anthologie, préface de Jacques Roubaud, Orléans, Paradigme.
  • 1995 : Chants d’amour des femmes-troubadours. Trobairitz et “chansons de femme”, Paris, Stock Moyen Âge.
  • 1996 : La cornemuse. Sens et histoire de ses désignations, Toulouse, ISATIS, Conservatoire Occitan.
  • 1997 : Le siècle d’or de la poésie gasconne (1550-1650), Paris, Les Belles Lettres.
  • 2000 : La joute poétique. De la tenson médiévale aux débats chantés traditionnels, Paris, Les Belles Lettres.
  • 2002 : PER UN PAÍS… Écrits sur la langue et la littérature occitanes modernes, Poitiers, Institut d’Études Occitanes de la Vienne.
  • 2003 : Le comte de Poitiers premier troubadour. À l’aube d’un verbe et d’une érotique, Montpellier, CEO-Presses Universitaires de la Méditerranée.
  • 2004 : Les instruments de musique d’origine arabe. Sens et histoire de leurs désignations, Toulouse, Conservatoire Occitan.
  • 2004 : Florilège en mineur. Jongleurs et troubadours mal connus, Orléans, Paradigme.

  • 2010 : Chants d’amour des femmes de Galice, Cantigas d’amigo galego-portugaises, Biarritz, Atlantica.
  • 2012 : Le troubadour Arnaut Daniel, Gardonne, Fédérop.
  • 2013 : L’amour au féminin – trobairitz, Gardonne, Fédérop.
  • 2013 : Cent poèmes du Sud traduits de l’occitan, Orléans, Paradigme.

Pierre Bec – Traductions en occitan


  • Inédit : Novèlas de rotas lenga, traduction d’écrivains contemporains de diverses langues, à paraître.

De l’allemand

  • 1976 : Otto Bauer, Die Nationalitätenfrage und die Sozialdemocratie, pp. 95-120 et 433-467 ; trad. occitane dans Marxistas e nacions en lucha. Bauer, Connoly, Maclean, Mariategui, Gramsci, Nin, Lyon, Fédérop.
  • 2015 :  Joseph Roth, Jòb, roman d’un òme simple [Hiob], revirat de l’alemand per Pèire Bec, Ortès, Per Noste edicions.

    Inédit : Hess, Demian. Unterm Rad.

De l’espagnol

  • Inédit : Contes fantastics, traduction de quelques Leyendas du poète espagnol Gustavo Adolfo Bécquer.
  • 2013 : Letra a Li-Po de José Corredor Matheos, Toulouse, « Lo Gai Saber ».

Du frioulan

  • 1987 : La nòva joventut, traduction occitane de P. P. Pasolini, La nuova gioventù. Poesie friulane, 1941-1974, Torino, Einaudi/Toulouse, IEO, « Messatges ».

Hommages rendus à Pierre Bec en 2015

  • Pierre-Marie Joris dans Romania, 2015, tome 133, n° 529-530, p. 5-12.
    « Guilhem de Peitius, duc d’Aquitaine et prince du Trobar. Suivi de « Hommage à Pierre Bec » », Cahier de Carrefour Ventadour, 2015.
    Cahiers Max Rouquette 9, 2015 : Hommages de Bernard Lesfargues, Pierre-Marie Joris, Jean-Claude Forêt, Joël Cohen, Montpellier, Association « Amistats Max Rouquette ».
    Philippe Gardy, Europe, n° 1024-1025, Août-Sept. 2014, (rubrique « Notes de lecture ») : « Pierre Bec,  Au virar de l’Aura. Dotze sestinas au quatre vents ».

    Chronique nécrologique de la FELCO : « La FELCO en dòl : Pèire Bec nos a quitats ». Cette chronique contient une biographie de Pierre Bec et un résumé de ses travaux.